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26

Francese

 Prova scritta

Maintenant, Nour marchait sur les galets, au milieu des corps étendus. Déjà les mouches

voraces et les guêpes vrombissaient en nuages noirs au-dessus des cadavres, et Nour

sentait la nausée dans sa gorge serrée.

Avec des gestes très lents, comme s’ils sortaient d’un rêve, les femmes, les hommes, les

enfants écartaient les broussailles et marchaient sur le lit du fleuve, sans parler. Tout

le jour, jusqu’à la tombée de la nuit, ils ont porté les corps des hommes sur la rive du

fleuve, pour les enterrer. Quand la nuit est venue, ils ont allumé des feux sur chaque rive,

pour éloigner les chacals et les chiens sauvages. Les femmes des villages sont venues,

apportant du pain et du lait caillé, et Nour a mangé et bu avec délices. Il a dormi

ensuite, couché par terre, sans même penser à la mort.

Le lendemain, dès l’aube, les hommes et les femmes ont creusé d’autres tombes pour

les guerriers, puis ils ont enterré aussi leurs chevaux. Sur les tombes, il ont placé de

gros cailloux du fleuve.

Quand tout fut fini, les derniers hommes bleus ont recommencé à marcher, sur la piste

du sud, celle qui est si longue qu’elle semble n’avoir pas de fin. Nour marchait avec

eux, pieds nus, sans rien d’autre que son manteau de laine, et un peu de pain serré

dans un linge humide. Ils étaient les derniers Imazighen, les derniers hommes libres,

les Taubalt, les Tekna, les Tidrarin, les Aroussiyine, les Sebaa, les Reguibat Sahel, les

derniers survivants des Berik Allah, les Bénis de Dieu. Ils n’avaient rien d’autre que ce

que voyaient leurs yeux, que ce que touchaient leurs pieds nus. Devant eux, la terre

très plate s’étendait comme la mer, scintillante de sel. Elle ondoyait, elle créait ses

cités blanches aux murs magnifiques, aux coupoles qui éclataient comme des bulles.

Le soleil brûlait leurs visages et leurs mains, la lumière creusait son vertige, quand les

ombres des hommes sont pareilles à des puits sans fond.

Chaque soir, leurs lèvres saignantes cherchaient la fraîcheur des puits, la boue sau-

mâtre des rivières alcalines. Puis, la nuit froide les enserrait, brisait leurs membres

et leur souffle, mettait un poids sur leur nuque. Il n’y avait pas de fin à la liberté, elle

était vaste comme l’étendue de la terre, belle et cruelle comme la lumière, douce

comme les yeux de l’eau. Chaque jour, à la première aube, les hommes libres retour-

naient vers leur demeure, vers le sud, là où personne d’autre ne savait vivre. Chaque

jour, avec les mêmes gestes, ils effaçaient les traces de leurs feux, ils enterraient

leurs excréments. Tournés vers le désert, ils faisaient leur prière sans paroles. Ils s’en

allaient, comme dans un rêve, ils disparaissaient.

Le Clézio,

Désert

, Gallimard, 1980

Exercice n. 1

 Répondez aux questions

A)

Répondez par vrai ou faux aux affirmations suivantes sur le texte

a) Les hommes bleus ont enterré les corps des soldats français

tombés au combat.

V F

b) La nuit tombée, ils ont allumé des feux pour se réchauffer

V F

c) Ils ont dîné en mangeant du pain et du lait caillé

V F

d) Après leur mort, les guerriers ont été placés dans des cercueils

avant d’être enterrés

V F