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Francese
Prova scritta
Maintenant, Nour marchait sur les galets, au milieu des corps étendus. Déjà les mouches
voraces et les guêpes vrombissaient en nuages noirs au-dessus des cadavres, et Nour
sentait la nausée dans sa gorge serrée.
Avec des gestes très lents, comme s’ils sortaient d’un rêve, les femmes, les hommes, les
enfants écartaient les broussailles et marchaient sur le lit du fleuve, sans parler. Tout
le jour, jusqu’à la tombée de la nuit, ils ont porté les corps des hommes sur la rive du
fleuve, pour les enterrer. Quand la nuit est venue, ils ont allumé des feux sur chaque rive,
pour éloigner les chacals et les chiens sauvages. Les femmes des villages sont venues,
apportant du pain et du lait caillé, et Nour a mangé et bu avec délices. Il a dormi
ensuite, couché par terre, sans même penser à la mort.
Le lendemain, dès l’aube, les hommes et les femmes ont creusé d’autres tombes pour
les guerriers, puis ils ont enterré aussi leurs chevaux. Sur les tombes, il ont placé de
gros cailloux du fleuve.
Quand tout fut fini, les derniers hommes bleus ont recommencé à marcher, sur la piste
du sud, celle qui est si longue qu’elle semble n’avoir pas de fin. Nour marchait avec
eux, pieds nus, sans rien d’autre que son manteau de laine, et un peu de pain serré
dans un linge humide. Ils étaient les derniers Imazighen, les derniers hommes libres,
les Taubalt, les Tekna, les Tidrarin, les Aroussiyine, les Sebaa, les Reguibat Sahel, les
derniers survivants des Berik Allah, les Bénis de Dieu. Ils n’avaient rien d’autre que ce
que voyaient leurs yeux, que ce que touchaient leurs pieds nus. Devant eux, la terre
très plate s’étendait comme la mer, scintillante de sel. Elle ondoyait, elle créait ses
cités blanches aux murs magnifiques, aux coupoles qui éclataient comme des bulles.
Le soleil brûlait leurs visages et leurs mains, la lumière creusait son vertige, quand les
ombres des hommes sont pareilles à des puits sans fond.
Chaque soir, leurs lèvres saignantes cherchaient la fraîcheur des puits, la boue sau-
mâtre des rivières alcalines. Puis, la nuit froide les enserrait, brisait leurs membres
et leur souffle, mettait un poids sur leur nuque. Il n’y avait pas de fin à la liberté, elle
était vaste comme l’étendue de la terre, belle et cruelle comme la lumière, douce
comme les yeux de l’eau. Chaque jour, à la première aube, les hommes libres retour-
naient vers leur demeure, vers le sud, là où personne d’autre ne savait vivre. Chaque
jour, avec les mêmes gestes, ils effaçaient les traces de leurs feux, ils enterraient
leurs excréments. Tournés vers le désert, ils faisaient leur prière sans paroles. Ils s’en
allaient, comme dans un rêve, ils disparaissaient.
Le Clézio,
Désert
, Gallimard, 1980
Exercice n. 1
Répondez aux questions
A)
Répondez par vrai ou faux aux affirmations suivantes sur le texte
a) Les hommes bleus ont enterré les corps des soldats français
tombés au combat.
V F
b) La nuit tombée, ils ont allumé des feux pour se réchauffer
V F
c) Ils ont dîné en mangeant du pain et du lait caillé
V F
d) Après leur mort, les guerriers ont été placés dans des cercueils
avant d’être enterrés
V F