

232
Appendice
Tracce assegnate in precedenti concorsi a cattedra
Dans un jardin pas très grand, pas très beau, que rien de bien particulier
ne distingue de quantité d’autres jardins normands, la maison des Buco-
lin, blanche, à deux étages, ressemble à beaucoup de maisons de campagne
du síècle avant-dernier.
Elle ouvre une vingtaine de grandes fenêtres sur le devant du jardin, au le-
vant, autant par-derrière; elle n’en a pas sur les côtés. Les fenêtres sont à petits
carreaux: quelques-uns, récemment remplacés, paraissent trop clairs parmi les
vieux qui, auprès, paraissent verts et ternis. Certains ont des défauts que nos
parents appellent des «bouillons», l’arbre qu’on regarde au travers se dégin-
gande: le facteur, en passant devant, prend une bosse brusquement.
Le jardin, rectangulaire, est entouré de murs. Il forme devant la maison
une pelouse assez large, ombragée, dont une allée de sable et de gravier fait
le tour. De ce côté. le mur s’abaisse pour laisser voir la cour de ferme qui
enveloppe le jardin et qu’une avenue de hêtres limite à la manière du pays.
Derrière la maison, au couchant, le jardin se développe plus à l’aise.
Une allée, riante de fleurs, devant les espaliers au midi, est abritée contre
les vents de mer par un épais rideau de lauriers du Portugal et par quelques
arbres. Une autre allée, le long du mur du nord, disparait sous les branches.
Mes cousines l’appelaient «l’allée noire», et, passé le crépuscule du soir,
ne s’y aventuraient pas volontiers. Ces deux allées mènent au potager, qui
continue en contrebas le jardin, aprés qu’on a descendu queíques marches.
Puis, de l’autre côté du mur que troue, au fond du potager, une petite
porte à secret, on trouve un bois taillis où l’avenue de hêtres, de droite et de
gauche, aboutit. Du perron du couchant le regard, par-dessus ce bosquet
retrouvant le plateau, admire la moisson qui le couvre. A l’horizon, par
très distantt l’église d’un petit village et, le soir, quand l’air est tranquille,
les fumées de quelques maisons.
Chaque beau soir d’été, après dîner, nous descendions dans «le bas jardin
«. Nous sortions per la petite porte secrète et gagnions un banc de l’avenue
d’où l’on domine un peu la contrée, lá, près du toit de chaume d’une mar-
nière abandonnée, mon oncle, ma mère ai Miss Ashburton s’asseyaient:
devant nous, la petite vallée s’emplissait de brume et le ciel se dorait audes-
sus du bois plus lointain.
Puis nous nous attardions au fond du jardin déià sombre. Nous rentrions,
nous retrouvions au salon ma tante qui ne sortait presque jamais avec
nous... Pour nous, enfants, lá se terminait la soirée; mais bien souvent
nous étions encore à lire dans nos chambres quand, plus tard, nous enten-
dions monter nos parents.
ANDRÉ GIDE,
La porte étroite