

Aurore, Paul Valéry
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«poèmes» et «chants magiques» (la magie étant censée percer les secrets
de la Nature). Cette ambivalence du titre a souvent incité à rechercher, au-
delà des apparences, un sens caché aux vingt et un poèmes qui composent le
volume. Les
«charmes» sont pour Valéry l’équivalent des carmina, qui étaient
dans l’Antiquité des formules
incantatoires rythmées qu’on utilisait à Rome. Il
conçoit chaque poème dans le recueil comme une étape sur le chemin de la
connaissance, de la quête de soi.
La structure de
Charmes
représente la méthode à travers laquelle le poète
invente et connaît les moyens pour faire émerger l’idée poétique.
Influencé par Poe comme par Mallarmé, Valéry construit un édifice où chaque
poème entre en relation avec les autres. Cette interdépendance est présente
à chaque page du recueil: le poème initial, «Aurore», chante le combat du
principe spirituel cherchant à s’arracher à ce qui l’entrave: «Je fais des pas
admirables/ Dans les pas de ma raison.» Sorti de la «confusion morose de la
pensée», le poète avance en lui-même pour espérer y construire un temple
éternel. Les quatre premières sections de «Fragments du Narcisse» permettent
à l’âme de s’émanciper pour se retrouver face à elle-même: l’ivresse naît de
«l’inépuisable Moi». La pensée suit son cours, travaille comme «L’Abeille»,
avance des «Pas» vers le grand œuvre encore en sommeil que symbolise «La
Dormeuse». La gradation s’opère vers la jouissance de l’activité créatrice et de
ses pouvoirs que le langage, «honneur des hommes», concentre en un même
élan. L’inspiration est issue d’un travail dur et long: le poète est d’abord assailli
par les images, il accueille ces fruits de l’imagination, mais il doit en ordonner
la modulation, en maîtriser le rythme parfois obsédant.
Les poèmes de
Charmes
sont tous d’une forme parfaite, résultat d’un travail
minutieux sur la langue.
Exercice n. 4
1. Faites l’analyse textuelle de la première strophe
Piste d’analyse: mettez en relief les étapes de l’éveil du poète et l’importance du mot
«confiance»
Dans la première strophe l’éveil de la conscience du poète est symbolisé par
son action de marcher décrite par les verbes «Je m’avance, Je fais des pas».
C’est une marche symbolique non pas sur un espace extérieur, mais dans un
espace intérieur, vers la sphère de l’intelligence («dans l’âme, dans les pas de
ma raison»), où règne la clarté. Le mot «clarté» a ici un double sens, étant à
la fois «lumière» au sens concret et «logique» au sens figuré. Par opposition à
cette lumière, la nuit représente le règne de la «confusion morose», où l’on
s’enlise comme dans des «sables mouvants» (v. 8).
Dans cet état d’incertitude «la confiance» repose seulement sur la certitude
d’arriver à utiliser la raison avec succès.